Sur la question de la transmission des valeurs, le professeur de lettres se trouve dans une situation bien inconfortable. Si cette transmission semble aller de soi pour l’institution scolaire, les modalités de sa prise en charge didactique sont laissées à la liberté du professeur. Seul face à sa classe, ce dernier s’interroge : à quelles conditions didactiques et pédagogiques une oeuvre littéraire fera-t-elle mémoire éthique pour les jeunes lecteurs ? C’est à cette question que tente de répondre la première partie de l’article, à partir des difficultés rencontrées, et en explorant ce qui peut guider la démarche pédagogique : le souvenir éthique du texte littéraire. L’article présente ensuite un projet d’écriture proposé à des lycéens, à la suite de l’étude en classe du récit de P. Modiano, Dora Bruder. On déplace la perspective traditionnelle : plutôt que de cerner avec les élèves les valeurs portées en filigrane par le récit de P. Modiano, on les invite à interroger la poétique choisie par l’écrivain – pourquoi et comment écrire, en 1997, un tel récit ? – puis à l’emprunter dans l’ici et maintenant de leur vie de lycéen. Sont enfin présentés quelques-uns des résultats observés et les raisons pour lesquelles une telle démarche est susceptible d’amener les élèves à un positionnement éthique ; tout en laissant à l’oeuvre littéraire étudiée sa pleine dimension artistique.