
LITTÉRATURE Nº 218 (2/2025)
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Mes grands-parents maternels étaient « sudètes » – cette minorité germanophone était installée dans les régions frontalières de la Tchécoslovaquie depuis le Moyen Âge, puis s’est fait expulser à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour avoir collaboré avec le Reich national-socialiste. J’ai grandi avec deux versions de l’histoire des Sudètes. La version transmise par ma mère insistait sur le drame de l’expulsion ; la complicité avec le Reich précédant le drame en était la tâche aveugle de ce récit. La deuxième version, enseignée à l’école, insistait sur la collaboration mais faisait l’impasse sur les souffrances causées par le déplacement forcé. Face au constat que l’histoire s’écrit toujours selon un point de vue située mais que les crimes, les disparitions, et les souffrances qui en résultent n’en sont pas moins réels, j’ai voulu enquêter moins sur la vérification des « faits » que sur la motivation des regards posés sur ces faits.
My maternal grandparents were Sudeten – this German-speaking minority had lived in the border regions of Czechoslovakia since the Middle Ages, before being expelled at the end of World War II for having collaborated with the National Socialist Reich. I grew up with two versions of Sudeten history. The version my mother told emphasized the tragedy of expulsion ; the complicity with the Reich prior to the tragedy was a blind spot in this narrative. The second version, taught at school, underlined the collaboration but overlooked the suffering caused by the forced displacement. Confronted with the observation that history is always written from a set point of view, but this does not make the resulting crimes, disappearances and suffering any less real, my aim, rather than focusing on checking the “facts” was to investigate the factors underlying the way in which these facts are viewed.

