
Revue d'histoire des sciences (2/2025)
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L’intuitionnisme et le formalisme sont des catégories qualifiant des philosophies des mathématiques qui ont été tout particulièrement employées lors de la « crise des fondements », et attribuées respectivement à L. Brouwer et à D. Hilbert. Elles ont pu toutefois servir également à établir des classifications et des oppositions entre systèmes philosophiques au cours de l’histoire à l’aune des pratiques mathématiques de leurs auteurs. Dans ce cadre, Descartes est régulièrement qualifié d’intuitionniste, notamment et dans des sens différents par Y. Belaval et J. Vuillemin, tandis que Leibniz se rattacherait à une tradition formaliste. La pratique malebranchiste des mathématiques est de ce point de vue singulière : fidèle à la tradition algébriste initiée par Descartes fondée sur une forme d’intuition, Malebranche promeut à partir des années 1690 le calcul infinitésimal leibnizien dont la certitude semble devoir reposer sur la validité d’un certain formalisme. Nous proposons d’analyser dans quelle mesure la catégorie d’intuitionnisme demeure opératoire pour qualifier la philosophie mathématique de Malebranche et sa cohérence, et ce qu’elle pourrait nous apprendre de sa conception de la vérité.
Intuitionism and formalism are categories used to qualify philosophies of mathematics that were particularly prominent during the “foundational crisis,” and are attributed to L. Brouwer and D. Hilbert respectively. However, they have also served to establish classifications and contrasts between philosophical systems throughout history, based on the mathematical practices of the different authors. In this context, Descartes is regularly described as an intuitionist, notably, although in different ways, by Y. Belaval and by J. Vuillemin, while Leibniz is said to belong to a formalist tradition. The Malebranchian practice of mathematics is unique from this point of view: faithful to the algebraic tradition initiated by Descartes and based on a form of intuition, Malebranche promoted Leibniz’s infinitesimal calculus from the 1690s onwards, the certainty of which seems to rest on the validity of a certain formalism. In this paper, we analyze the extent to which the category of intuitionism remains operative in characterizing Malebranche’s mathematical philosophy and its coherence, as well as what it might teach us about his conception of truth.