Annales de Géographie n° 663 (5/2008)
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L’observation sociologique révèle qu’en France la nature, telle qu’elle apparaît à travers les cadres qui en organisent la protection, loin d’être un objet d’accord entre les individus ou les groupes sociaux, est au contraire l’objet de tensions, de rivalités, d’antagonismes très forts susceptibles de déboucher sur la violence. Ceux-ci apparaissent liés à des mécanismes d’appropriation difficiles à objectiver dans la mesure où ils sont généralement interprétés dans des logiques même d’opposition ou de tension. En ce sens, la question de la nature apparaît fondamentalement de nature politique. L’article s’efforce d’analyser les arrière-plans susceptibles d’éclairer cette spécificité en particulier à la lumière d’autres traditions culturelles, anglo-saxonne ou japonaise. Il fait ressortir la façon dont plus que d’autres cultures, la culture française s’est construite dans une récusation de la sensibilité, de l’émotion, de la subjectivité comme réalité partagée source de valeurs et moteur d’action au profit d’une rationalité supposée organiser la vie collective — et la connaissance que l’on en a à travers les sciences sociales —, qui trouve son expression dans des montages à la fois discursifs et institutionnels qui ont pour fonction de mettre l’individu entre parenthèse au profit du collectif, ces cadres discursifs étant supposés en assurer la maîtrise. La nature apparaît comme un révélateur particulièrement pertinent de ce montage culturel et des difficultés qui y sont associées, en particulier de la façon dont il fait obstacle à d’autres approches fondées sur d’autres registres comme l’initiative et l’innovation personnelle et collective, la participation sociale, la responsabilité individuelle ou plus généralement, l’éthique.
Sociological observation reveals that in France, nature, examined through the frames that organize its protection, far from being an object of agreement between individuals and social groups is, on the contrary the object of tensions, rivalries and even very strong antagonisms that can evolve into open violence. These phenomenons are related to appropriation mechanisms difficult to objectivize as they are usually interpreted through tensions and rivalries logics. Thus nature problems appear fudamentally of a political nature. The article is an attempt to analyze the backgrounds that can shed light on this specificity, in particular through the comparison with other cultural traditions, anglo-american or japanese. It brings out how, more than others, french culture has built itself through the recusation of sensibility, emotion, subjectivity as a shared reality at the basis of values and motor of action for the profit of rationality supposed to be organizing collective life — and the knowledge that can be acquired about it through social sciences —, which finds its expression in institutional and discursive structures the functions of which are to downrate the individual for the profit of the collective, these discurvive frames supposedly insuring its mastery and guidance. Nature appears as a highly relevant revelator of this cultural setting and of the difficulties associated with it, particularly as an obstacle to other approaches based on other references such as personal and corporate initiative and innovation, social participation, individual responsibility and, on a wider level, ethics.