Annales de géographie - N°752 (4/2023)
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Bien que connaissant un renouveau épistémologique, la géographie du nucléaire peine à identifier les processus menant certains espaces à être catégorisés socialement comme nucléaires. Cet article propose d’étudier ces mécanismes d’assignations spatiales en croisant les concepts de « nucléarité » et de « stigmatisation territoriale ». Le but est de singulariser la nucléarisation de l’espace, que nous définissons comme les opérations qui, par des pratiques et des discours, tendent à catégoriser socialement un espace comme faisant partie du domaine nucléaire, séparé de celui conventionnel, lui appliquant ainsi un ensemble de normes d’exception. Nous l’appliquons au cas de l’atoll de Hao, en Polynésie française, base arrière des essais nucléaires menés par la France de 1966 à 1996. Nous comparons deux évènements, la vente des gravats et des déchets métalliques issus de la destruction des infrastructures militaires. Les résultats montrent que la nucléarité spatiale est relationnelle, processuelle et multidimensionnelle, émergeant des actions des acteurs, de leurs intérêts et discours. Différents régimes de nucléarité spatiale coexistent dans le temps et l’espace, faisant fluctuer la nucléarité des lieux. Souvent décrite comme imposée par les agents dominants, la nucléarité spatiale est également reproduite par les acteurs locaux qui perçoivent des opportunités politiques.
The ongoing renewal of nuclear geography fueled the inflation of concepts characterizing the relations between this sector and space. Yet, we argue that these notions fail to document how places come to be counted and treated as nuclear. Building on Hecht, we consider “nuclearity” as a contested and volatile technopolitical category, disconnected from material realities. In this paper, we suggest bridging “nuclearity” with “territorial stigmatization” to construct an analytical framework identifying the production of spatial nuclearity. We experiment our framework by studying the fluctuating social nuclearity of the atoll of Hao (French Polynesia) which hosted the French nuclear tests forward operating base. Two cases—the sales of gravels and metal scraps originating from the buildings dismantling—, leading to two distinct nuclearization of space, are compared. To reconstruct the narratives framing these cases, we drew on a three-step protocol mobilizing articles from the main French Polynesian media, minutes of the Polynesian Parliamentary debates as well as semi-structured interviews. Results show that spatial nuclearity is relational, processual and multidimensional, emerging from actors’ strategic actions, everyday operations, interests and discourses. Different regimes of spatial nuclearity coexist in time and space, and places’ nuclearness can shift. Frequently portrayed as imposed by dominant agents, spatial nuclearity is also reproduced by locals perceiving political opportunities. As a growing number of nuclear infrastructures are decommissioned, these findings have important implications for policy-makers working on territories postnuclear trajectories.