
Annales de démographie historique (2-2025)
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En France au XIXe siècle, l’âge d’or du «catholicisme au féminin» entraîne une forte augmentation des entrées en religion de femmes, vocations qui suscitent parfois les réticences des parents. Cet article examine les liens entre la place de cadette et l’opposition des parents à la vocation des filles, à partir de deux hypothèses historiographiques contradictoires : la vie religieuse constituerait un débouché privilégié pour les cadets et cadettes, mais ces derniers (et tout particulièrement les filles) sont souvent assignés au soin des parents âgés, qui est incompatible avec l’entrée au couvent. Les archives des conflits familiaux pris en charge par la direction des Cultes, la justice, les diocèses ou les autorités vaticanes font ressortir la diversité des stratégies familiales forgées par les parents : le rang de naissance ne semble pas déterminant (sauf dans le cas particulier des filles uniques) alors que le genre l’est bien davantage. Les cadettes et leurs adelphes ne sont pas passifs dans ces conflits, qui dessinent leur marge de manoeuvre au sein de la famille et éprouvent les liens de solidarité. Cet article montre enfin qu’à l’ordre de naissance et au sexe sont associés, par les parents, des rôles précis, mais aussi un sentiment d’attachement, ce qui rappelle qu’au XIXe siècle, la famille est un espace de solidarité aussi bien économique qu’affective.
In nineteenth century France, the golden age of “catholicisme au féminin” led to a sharp increase in the number of women entering religious life, whose vocations sometimes aroused parental opposition. This article examines the links between cadet status and parental opposition to daughters’ vocations based on two contradictory historiographical hypotheses: religious life was a privileged outlet for cadets, but cadets (and especially girls) were often assigned to care for elderly parents, which was incompatible with entering a convent. Records of family conflicts handled by the Cults Department, civil and criminal courts, dioceses, or Vatican authorities reveal the diversity of family strategies forged by parents: birth rank doesn’t seem to be a determining factor (except in the case of only daughters), while gender is much more important. The youngest daughters and their adelphs are not passive in these conflicts, which define their agency within the family and test the bonds of solidarity. Finally, this article shows that birth order and gender are associated by parents with specific roles, but also with a sense of attachment, reminding us that in the nineteenth century the family was a place of both economic and emotional solidarity.