
HISTOIRE, ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ (2/2025)
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Cet article interroge les liens entre la « politique orientale » (Orientpolitik) mise en oeuvre par le Kaiserreich et l’émergence des études islamiques comme un ensemble institutionalisé de savoirs sur l’Islam, envisagé non pas uniquement comme religion, mais comme aire culturelle et facteur identitaire. À partir d’une analyse des écrits de Carl Heinrich Becker sur la Turquie ottomane et la modernisation de l’Islam, l’article montre comment cette reconfiguration des savoirs a donné naissance à un orientalisme de type nouveau, mis au service d’une « politique musulmane » (Islampolitik) et d’une stratégie globale de l’Allemagne pour concurrencer les puissances coloniales européennes dans l’Empire ottoman finissant. Cette stratégie, qui culmina pendant la Première Guerre mondiale, mobilisa une rhétorique anticoloniale, visant à renforcer un nationalisme turc et saper l’hégémonie culturelle et linguistique française entretenue par les élites ottomanes.
This article examines the links between the “oriental policy” (Orientpolitik) implemented by the Kaiserreich and the emergence of Islamic studies as an institutionalised body of knowledge on Islam, no longer viewed solely as a religion, but as a cultural area and an identity building factor. Based on an analysis of Carl Heinrich Becker’s writings on Ottoman Turkey and the modernisation of Islam, the article shows how this reconfiguration of knowledge gave rise to a new type of orientalism, placed at the service of Germany’s “Muslim policy” (Islampolitik) and overall strategy to compete with the European colonial powers in the late Ottoman Empire. This strategy, which culminated in the First World War, was based on anti-colonial rhetoric, aimed at strengthening Turkish nationalism and undermining the French cultural and linguistic hegemony nurtured by the Ottoman elites.

