REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES (1/2021)
Pour acheter ce numéro, contactez-nous
Recevez les numéros de l'année en cours et accédez à l'intégralité des articles en ligne.
Cet article part du topos de la découverte par hasard, qui, à la première modernité, est souvent attribuée à des « ignorants ». En effet, il est généralement admis alors que la découverte de l’Amérique, l’invention de la poudre à canon, de la boussole, de l’imprimerie ou encore de la première lunette astronomique auraient été faites par hasard par des hommes qui n’étaient pas formés aux sciences. À partir de ce topos, l’article pose deux questions : d’une part, l’ignorant possède-t-il des qualités spécifiques, en tant qu’ignorant, qui le rendent plus susceptible que le savant d’être à l’origine de découvertes fortuites ? D’autre part, le mode de connaissance que constitue la découverte fortuite est-il pris en compte dans les programmes d’avancement du savoir à la première modernité ou bien est-il au contraire écarté car il représenterait une forme non méthodique et donc non scientifique d’accès au savoir ? Pour répondre à ces questions, l’article montre en particulier le rôle de la sagacité dans la découverte par hasard et la manière dont cette qualité peut être mise au service d’une méthode, notamment dans le cadre de l’experientia literata de Francis Bacon, qui prévoit d’insérer le hasard au sein même du processus d’expérimentation.
The starting point of this article is the topos of chance discoveries, which, in the early modern era, were often attributed to ignorant investigators. Indeed, it was generally accepted that the discovery of America, the invention of gunpowder and of the compass, as well as the first telescope were all stumbled upon by chance by men who had not been trained in the sciences. Based on this topos, the article raises two questions. Firstly, was the ignorant discoverer supposed to have specific qualities that made him more likely than the learned person to make chance discoveries? Secondly, was chance discovery as a way of knowing taken into account in early modern programmes for the advancement of learning? Or was it excluded from them as a non-methodical and, therefore, non-scientific way to attain knowledge? In order to answer these questions, the article explores the role of sagacity in chance discoveries and the way this quality was sometimes used as a method, in particular in Francis Bacon’s experientia literata, whose purpose was precisely to introduce chance into the experimental process.