Revue d'histoire des sciences - Tome 62 (1/2009)
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Cet article présente la création de l’Institut Henri Poincaré (IHP) à Paris comme le résultat d’une stratégie bien précise destinée à moderniser les mathématiques en France par la mise en place d’un processus « concret et institutionnalisé d’internationalisation », comme on l’a dit. Pour sa part, l’entreprise Bourbaki prenait forme au milieu des années trente, après avoir noyauté un séminaire qui se déroulait précisément entre les murs de l’IHP. L’organisation acquit rapidement une certaine reconnaissance qui la reliait à la modernisation des mathématiques. Le principal responsable de la fondation de l’IHP est Émile Borel, que les oeuvres philanthropiques de la fondation Rockefeller, et tout particulièrement l’International Education Board, vinrent soutenir dans la planification et le financement initial de l’IHP. Celui-ci favorisa la modernisation des mathématiques de deux manières : non seulement il renforçait les relations entre la physique mathématique et la stochastique — domaine de recherches alors en pleine expansion — mais l’Institut devint aussi un véritable lieu de rencontres, accueillant des mathématiciens français, de Paris ou de province, en même temps que leurs collègues étrangers qui pouvaient désormais effectuer à Paris des séjours de recherches encadrés par cette institution. Les nombreuses invitations à donner des conférences remplissaient cette fonction de même que les rencontres plus « informelles » entre physiciens et mathématiciens qui en résultaient souvent. Dans cet article, nous mettrons en évidence les conditions qui ont permis diverses collaborations auxquelles ont pris part des figures marquantes de l’IHP (comme Borel, Georges Darmois et Maurice Fréchet), Paul Lévy (de l’École polytechnique) ou encore certains de leurs élèves, parmi lesquels on compte des mathématiciens de renom.
This article examines the first years, 1926-1940, of the Institut Henri Poincaré (IHP) in Paris with regard to one particular aspect of the modernization of French mathematics, which is called here « concrete, institutionally backed internationalization ». (This aspect of modernization differed from another one, promoted by the contemporary and youthful Bourbaki enterprise, which remains largely outside the picture here.) The IHP, founded by Émile Borel principally with the help of money from the American Rockefeller philanthropies (in particular the International Education Board), had a dual modernizing effect on French mathematics. In addition to encouraging the relation between mathematical physics and the modern discipline of stochastics, it provided a meeting place and institutional centre for all Parisian mathematicians and supported communication with mathematicians and physicists from other countries. The article also describes the collaboration of the leading figures at the IHP proper (Borel, Maurice Fréchet, Georges Darmois), of Paul Lévy (École polytechnique) and the generation of their influential students.