
Romantisme n° 140 (2/2008)
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Les excursions en terres littéraires sont chose malaisée pour l’historien. En dépit de l’extension considérable de son territoire, du renouvellement de ses objets et de ses questionnements, la littérature demeure souvent aux marges incertaines de son travail, par excès de cloisonnement ou par a priori épistémologiques. L’objet, certes, est encombrant : impossible d’en faire un simple témoignage ou une citation subsidiaire au discours historique, illusoire d’y chercher un reflet, plus ou moins lisible, d’un réel postulé indépendant, vain, enfin, de n’y traquer que les modes socialement et historiquement marqués d’interprétation des événements. L’objet, pourtant, est incontournable : comment penser l’histoire sans oser s’attaquer à ce qui, de part en part, lui donne sa couleur ? Comment se résoudre à admettre que « tout ce qui a été » n’est pas « digne » d’elle ? Cet article fait donc le pari d’une histoire possible de la pratique poétique au XIXe siècle, dans la confluence des approches et sans cantonnement des regards. Il explore, pour cela, les multiples signes de la présence de la poésie dans la France du premier XIXe siècle, ses usages politiques, son poids culturel et social. Au fil des rites de sociabilité, des exercices scolaires, des conventions sociales, des grands et petits noms des lettres, des fêtes de souveraineté et des manifestations d’engagement, s’ouvre ainsi à nos curiosités tout un continent délaissé.
Stepping into literary lands is not an easy journey for an historian. Although History has developed and renewed its matters and its questionings, it still hardly grasps literature because of an excess of theoretical boundaries or epistemological bias. Indeed, literature is not an easy object to deal with: it is impossible to reduce writing to a simple witness or a mere quotation, nor consider it to be a reflection of any reality. Furthermore, looking for customs of the day world would be fruitless. Yet, one cannot ignore the object itself : how could one think History without daring to come to grips with what gives it its color ? How could one resolve oneself to admit that “what was once” is not worth of History ? This paper makes a bet on the possibility of writing a history of poetry uses and activities in the XIXth century. For this purpose, it explores all the signs of the presence of poetry during Restoration in France, its political uses, its cultural and social weights. By tracing down social rites, schoolish exercises, sovereignty feasts and commitment expressions, by following high and low characters of the literary world, one finally unravels a whole neglected continent.

