Littérature n° 180 (4/2015)
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Si le genre romanesque n’a pas bonne presse chez les écrivains français aujourd’hui, pour Éric Chevillard, Pierre Senges et Antoine Volodine, écrire contre le roman, c’est écrire tout contre. Parce qu’ils sont romanciers malgré eux dès lors que, pour reprendre une affirmation provocatrice du premier, « bientôt, le terme roman sera définitivement devenu synonyme de livre », mais surtout parce que les formes qu’ils inventent constituent des variations sur le genre romanesque qu’ils malmènent pour mieux le renouveler. Explorant les rapports qu’entretiennent roman et antiroman à la lumière de cette pratique contrapuntique, l’article montre que ce couple notionnel ne coïncide qu’incidemment avec celui qui oppose le romance au novel, et que c’est l’illusion mimétique qui constitue le véritable enjeu pour l’antiroman, par-delà ses manifestations singulières au cours du temps. Ce déplacement permet de reconsidérer la cible de l’antiroman comme un modèle abstrait dont l’antiroman trace les contours en creux, expurgeant ainsi les formes sclérosées qui tendent à figer le genre romanesque, comme autant de mues, afin de maintenir le vague du roman, qui le garde toujours vivant.
Even though the novelistic genre does not get a good press from the French writers today, for Éric Chevillard, Pierre Senges and Antoine Volodine, to write against the novel is in fact to write quite close to it. Because they are novelists in spite of themselves since, to quote a provocative statement of the first, “soon, the term novel will permanently have become a synonym for book”, but especially because the forms they invent constitute variations on the novelistic genre they mistreat the better to renew it. The article explores the relations between the novel and the antinovel in the light of this contrapuntal practice, and shows that this notional couple only coincides incidentally with the one which contrasts the romance with the novel, and that the mimetic illusion is what constitutes the real stake for the antinovel, beyond its singular expressions throughout history. This shift allows for a reconsideration of the antinovel’s target as an abstract model, the contours of which are indirectly drawn by the antinovel, and thus expurgates the fossilized forms that tend to freeze the novelistic genre, like so many molts, in order to maintain the vagueness of the novel, which always keeps it alive.