Annales de Géographie n° 671-672 (1-2/2010)
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La Région du Grand Mékong, qui réunit les pays de la péninsule indochinoise et deux provinces du sud de la Chine, est l’un des programmes d’intégration transnationale les plus dynamiques en Asie. S’inscrivant dans le processus de régionalisation de la mondialisation à l’échelle de l’Asie orientale, c’est-à-dire de la façade asiatique du Pacifique, la Banque asiatique de développement (BAD) a su profiter du retournement des stratégies territoriales nationales de l’après Guerre froide pour promouvoir et accompagner cette initiative d’intégration régionale. Dans ce contexte de réouverture, après des périodes plus ou moins longues de fermeture, un pays fait exception : la Thaïlande. Déjà positionnée comme centre économique de la péninsule indochinoise lors des guerres d’Indochine, elle a profité du retour à la paix pour transférer la compétition du champ de bataille à celui de l’intégration par le marché. Elle a ainsi renforcé son leadership régional, en valorisant sa position au débouché ou à l’articulation des principaux corridors de développement promus par la Région du Gand Mékong. Fort de sa puissance économique, incontestée, la Thaïlande est devenue le partenaire incontournable des pays limitrophes pour financer les sections des corridors traversant leur territoire, pays qui ont payé un lourd tribu aux décennies de guerre où d’isolement. Elle est aussi un partenaire financier fort recherché pour les grandes puissances régionales asiatiques (Chine, Japon et plus récemment Inde), qui trouvent dans la Région du Grand Mékong un nouveau champ pour affirmer leurs ambitions hégémoniques à l’échelle de l’Asie. La crise politique durable qui déstabilise la Thaïlande aujourd’hui, peut remettre le Viêt-nam, jusqu’alors distancé, dans le jeu péninsulaire.
The Greater Mekong Subregion, which embraces the countries of the Indochina Peninsula and two provinces of southern China, is the focus of one of the most dynamic transnational integration programmes in Asia. The Asia Development Bank, taking part in the process of regionalisation of globalisation at the scale of Eastern Asia — the Asian façade of the Pacific — took advantage of the post- Cold War reversal of national development planning strategies to promote and work with this regional integration initiative. In this situation where countries are opening up again after substantial periods of enclosure, one country stands out as an exception: Thailand. That country, already well positioned as one of the Peninsula’s core economic nodes during the Indochinese wars, has taken advantage of the return to peace to transfer competition for the field of battle to the scene of market-induced integration. It has thus reinforced its regional leadership, enhancing its position at the outlets or connection points between the major development corridors promoted by the Greater Mekong Subregion programme. In the strength of its uncontested economic power Thailand has become the indispensable economic partner for neighbouring countries to finance the sections of corridors crossing their territory, countries which have paid a heavy cost for decades of war or isolation. It is also a strong financial partner sought after by Asia’s great regional powers (China, Japan and more recently India), who find in the Greater Mekong Subregion a new arena for asserting their ambitions for hegemony at the whole scale of Asia. The continuing political crisis which is currently destabilising Thailand could put Vietnam, lagging behind up to now, back into a stronger position in the play of geopolitical forces in the Indochina Peninsula.