Annales de géographie n° 714 (2/2017)
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Dans le contexte d’un débat intense sur l’augmentation des inégalités aux États-Unis, San Francisco a récemment été pointée du doigt comme l’une des grandes villes où elles sont les plus marquées. Cette dénonciation repose sur l’assimilation implicite de ces inégalités à une injustice insoutenable, alors même que les philosophes ont montré depuis longtemps qu’inégalités et injustice ne se confondent pas. Aussi semble-t-il important d’examiner avec attention la question des rapports entre inégalités et injustice dans le contexte des grandes villes. C’est ce que cet article propose de faire à partir du cas de la ville de San Francisco, en se concentrant spécifiquement sur la question des inégalités de revenus. Il explicite d’abord les enjeux d’une analyse de la dimension spatiale des inégalités de revenu au regard de la notion de justice. Il étudie ensuite le profond sentiment d’injustice nourri par ces inégalités, qui constitue à son tour le ferment d’importants mouvements de contestation. Enfin, face aux réactions de la société civile, il examine la manière dont les acteurs publics se situent au regard de cette question, dans une ville réputée pour être la capitale du progressisme aux États-Unis. Au bout du compte, à partir d’une analyse des liens entre inégalités (rendues visibles dans l’espace), ressentiment, mobilisations et politiques publiques, il s’agit de saisir si San Francisco, ville inégale, est aussi une ville injuste.
While increasing income inequality has raised intense public debates in the United States, San Francisco is pointed as one of the most unequal large cities in the country. This criticism implicitly assumes that inequality is unjust per se, even though philosophers have long warned against any confusion between these two terms. This paper critically investigates the relationship between inequality and injustice by focusing on the case of income inequality in the city of San Francisco. It first shows that this question cannot be addressed without taking space into account. It then examines the deep feeling of injustice that rises from the awareness of inequality, which in turn stirs strong potest movements. It finally studies to what extent San Franciscans’ values and mobilization actually frame public policy in a city known as the US capital of Progressivism. Eventually, by showing the links between inequality (made visible through space), resentment, mobilization and public policy, this paper aims to understand if San Francisco is not only an unequal city but also an unjust city.