Annales historiques de la Révolution française n°390 (4/2017)
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Le jeune baron millavois Marc Antoine François de Gaujal émigre en 1791. La fréquentation de la cour des princes en Rhénanie-Palatinat et d’une nouvelle sociabilité aristocratique de l’exil ne suffit pas à combler l’ennui des heures passées en faction et les désillusions d’une restauration monarchique qui ne vient pas. Lui qui avait été privé du Grand Tour européen décide rapidement de « faire tourner » son émigration militaro-politique au profit de son instruction et de forcer une mobilité alors largement contrainte par les manoeuvres de son contingent à la faveur de voyages. Au terme de la campagne et de la retraite de 1792 et d’un hiver 1793 dont il sort affaibli, Gaujal débute l’été suivant, depuis Düsseldorf, son voyage de Hollande. Il s’inscrit volontiers dans une tradition viatique maintes fois renouvelée par les voyageurs français depuis le mitan des Lumières et tire de son expérience à travers les Pays-Bas méridionaux un récit reprenant au moins autant les codes du genre qu’il ne révèle de nouveaux réflexes proprement touristiques. Par-delà les références savantes soigneusement consignées, son récit témoigne d’une sensibilité certaine éveillée par la découverte des paysages, stimulée par les promenades répétées et nourrie par la confrontation à l’Autre. En passant du voyage d’émigration au voyage en émigration, Gaujal essaie de reprendre en main le cours d’une expérience qui lui échappe. À l’aube d’un Romantisme en gésine, ses voyages participent à l’affirmation évidente d’une identité de l’exil.
The young baron Marc Antoine de Gaujal emigrated in 1791 from the commune of Milhau in the department of the Aveyron. The time spent at the Court of the Princes in the Rhineland-Palatinate, as well as the new aristocratic soiability, however, were not enough for him overcome the boredom of hours spent on military duty, nor the disillusionment of a monarchical restoration that never came. He who had been deprived of a European Grand Tour soon decided to use his political and military emigration to the benefit of his education ; he exchanged the restrictive immobility imposed by the manoeuvers of his regiment in favor of wider travels. Gaujal was to follow, happily, in the footsteps of French travelers in Holland since the middle of the eighteenth century. While the description of his experiences throughout the Southern Netherlands mirrored the established codes of travel literature, they showed new touristic responses as well. His numerous excursions and wanderings allowed him to discover unfamiliar landscapes, awakening in him a heightened sensibility.