
ANNALES HISTORIQUES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE Nº419 (1/2025)
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Dans un contexte franc¸ais de lois électorales familialistes et d’une doctrine de la représentation politique qui interdit toute idée d’intérêts intermédiaires ou particuliers, qu’en est-il des propositions alternatives qui défendent la nécessité d’une représentation des femmes en tant que telles ? Par « représentation des femmes en tant que telles », on entend la contestation de la doctrine universaliste, quelle que soit la manière dont celle-ci est interprétée et mise en application à l’époque : soit par les défenseurs d’un droit de vote des femmes en tant qu’individus indifférenciés, comme Condorcet et Guyomar, soit par les lois électorales établissant la capacité du seul paterfamilias à parler au nom de la nation tout entière. Il s’agit ici d’examiner les rares alternatives exprimées en faveur d’un vote pour les femmes « en tant que femmes », porteuses d’intérêts spécifiques, c’est-à-dire non représentables par des hommes vus comme porteurs d’intérêts particuliers, un quasi-non-sens dans la doctrine franc¸aise de la représentation politique. Ces rares alternatives, dont on trouve des exemples dans le corpus en langue franc¸aise de la décennie révolutionnaire, ont en commun, malgré leurs divergences, d’ouvrir une brèche dans la pensée et les pratiques dominantes, y compris dans la pensée universaliste pour laquelle, jusqu’à aujourd’hui, il n’existe pas d’intérêts particuliers représentables dans la nation souveraine.
In a French context of family-based electoral laws and a doctrine of political representation which prohibits any idea of intermediate or particular interests, what about alternative proposals which defend the need for representation of women as such? By “representation of women as such”, we mean the challenge of the universalist doctrine, regardless of how it was interpreted and applied at the time: either by advocates of women’s right to vote as undifferentiated individuals, like Condorcet and Guyomar, or by electoral laws establishing the capacity of the sole paterfamilias to speak on behalf of the entire nation. The aim here is to examine the rare alternatives expressed in favor of a vote for women "as women", bearers of specific interests, i.e. not representable by men seen as bearers of particular individuals, almost nonsense in the French doctrine of political representation. These rare alternatives, examples of which can be found in the French-language corpus of the revolutionary decade, have in common, despite their differences, of opening a breach in dominant thought and practices, including in universalist thought for which, until today, there are no particular interests representable in the sovereign nation.