
HISTOIRE, ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ (3/2025)
Pour acheter ce numéro, contactez-nous
Recevez les numéros de l'année en cours et accédez à l'intégralité des articles en ligne.
Cet article offre une perspective critique sur une des hypothèses dominantes de l’historiographie nord-américaine, qui affirme qu’après la guerre de Sept Ans, la colonie française de Saint-Domingue fut le lieu d’une législation marquée par un processus de discrimination « raciale » croissante, fruit des inquiétudes des autorités coloniales au sujet d’une alliance potentielle entre colons blancs et libres de couleur. En étudiant un siècle de législation coloniale sur la question de couleur à la Martinique et à Saint-Domingue, cet article démontre que les lois régissant le statut des libres de couleur étaient conçues à la lumière d’idées traditionnelles sur la naissance, la lignée, et la noblesse, et non sur les notions biologiques « modernes » de « race ». Cet article révèle que ces politiques furent, en grande partie, inefficaces. Magistrats et administrateurs, chargés d’appliquer cette législation ou de créer de nouveaux règlements, firent montre d’une réticence notoire, attitude qui s’explique par la conviction que les libres de couleur étaient d’une grande utilité pour la défense et le progrès économique des colonies.
This article critically examines an interpretation current particularly among North American historians, that in the French colony of Saint-Domingue after 1763 legal discrimination on the basis of « race » accelerated due to government fears of a potential alliance between white and free colored planters. By studying an entire century of colonial legislation on the question of color in Martinique and Saint-Domingue, this article shows that legislation concerning the status of the libres de couleur flowed from traditional ideas concerning birth, lineage, and nobility, rather than « modern » biological ideas of « race ». It concludes that policies designed to exclude the libres de couleur were largely ineffectual, because magistrates and administrators were reluctant to apply existing laws or introduce new ones, for they viewed free people of color as increasingly useful for both the defence and economic development of these colonies.

