Revue d'histoire des sciences - Tome 60 (1/2007)
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Dans cet essai, nous proposons de tracer un parcours centré sur l’histoire des catégories marquant les étapes du passage de la perspective naturelle à la perspective artificielle depuis le Moyen Âge jusqu’à la Renaissance : en effet, c’est bien dès le XIIIe siècle - à savoir, avant les nombreuses « perspectives pingendi » des artistes italiens du XVe siècle florentin, que des traités ayant le même titre circulaient en Europe. Nous précisons ici la terminologie de la perspective au Moyen Âge, l’origine composite de ces traités typiquement scolastiques en mettant en évidence les différentes orientations théoriques de cette tradition : 1/ une métaphysique de la lumière d’origine néoplatonicienne et d’inspiration religieuse représentée par l’oeuvre de Robert Grosseteste ; 2/ une gnoséologie de la vision sensible, de l’apparition des images visuelles et de leur constitution au niveau de la perception subjective ; 3/ les théories mathématico-géométriques sur la propagation de la lumière en ligne droite, dont on trouve les premiers exemples chez les auteurs les plus originaux du XIVe siècle de l’école parisienne (Dominique de Clavasio, Nicole Oresme, Henri de Langenstein, Blaise de Parme), alors que la perspective médiévale était en passe de devenir une science mathématico-physique, c’est-à-dire une perspective naturelle. Dans les dernières pages de cet essai, on étudiera l’influence de la version italienne du XIVe siècle d’après le texte latin de la traduction d’après l’arabe de l’ouvrage de perspective (Ibn al-Haytham, Alhazen), qui est l’une des sources principales de la perspective de l’artiste italien Lorenzo Ghiberti (Commentaire III). Il s’agit du De aspectibus (Kitaflb al-Manaflzir) d’Alhazen, dont les doctrines les plus originales ont inspiré les nouvelles conceptions de la perspective de Blaise de Parme, qui ont eu un large écho jusque dans les milieux artistiques italiens, surtout dans l’oeuvre de Leon Battista Alberti.
This study aims to outline the history of the categories marking the transformation of natural perspective into artificial perspective, from the Middle Ages up to the Renaissance. In fact, as early as the 13th century — that is long before the numerous Perspectivæ pingendi of 15th century Florentine artists— many treatises with this title were circulating. I seek to explain the terminology employed by Medieval perspective, the heterogeneous origins of these typically scholastic treatises, by bringing out the different theoretical directions of these traditions : 1/ neo-Platonic religious metaphysics of light, represented by Robert Grosseteste’s works ; 2/ epistemology of sense vision, appearances of visual images and their formation in subjective perception ; 3/ mathematical geometric theories of the rectilinear propagation of light, the first examples of which are found in the more original authors of the 14th century Parisian school (Dominicus de Clavasio, Nicole Oresme, Henry of Langenstein, Blasius of Parma). In this way medieval perspective was becoming a mathematical physical science, or natural perspective. The last pages of this study outline the influence of the Italian version of the mid-15th century derived from the Latin translation of the original of the Arab optics of Alhazen (Ibn al-Haytham, al-Alasan). This is one of the most important sources of the optical work done by the Italian artist Lorenzo Ghisberti (Commentario III). I refer to Alhazen’s De aspectibus, whose most original doctrines suggested the new optical concepts of Blasius of Parma, that was to exert a great influence also on Italian artists, and especially on Leon Battista Alberti.