Langages n° 182 (2/2011)
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L’article se propose, à travers une analyse de leurs oeuvres, de montrer le lien spécifique, en France au XIXe siècle, entre politique, linguistique française et la position de deux savants juifs, Michel Bréal (1832-1915) et Arsène Darmesteter (1846-1888). La seconde partie du XIXe siècle constitue, en effet, une période particulièrement propice à l’observation des liens entre pouvoir et savoir, au moment même où, se rejoue, presque un siècle après leur émancipation, la question politique de la position des juifs en France, où le sionisme et l’antisémitisme commencent à être formalisés sur la scène internationale, et où la linguistique apparaît comme une science autonome. M. Bréal et A. Darmesteter ont tous les deux largement contribué à l’enrichissement de la linguistique de l’époque, mais dans un rapport au pouvoir et au judaïsme assez différents. En effet, si A. Darmesteter contribue directement à ce que l’on appelle alors la science du judaïsme, M. Bréal apparaît plus nettement assimilé. Tous les deux en révélant, dans leur parcours respectif, une relation particulière au judaïsme et à la linguistique permettent aussi de mieux saisir quelques traits sociopolitiques de cette époque.
The goal of the present article is to show the specific link that can be established, in XIXth century France, between politics, French linguistics and the scientific stance made by two Jewish scholars, Michel Bréal (1832-1915) and Arsène Darmesteter (1846-1888). The second half of the XIXth century is indeed a particularly favourable moment for observing the relationships between power and knowledge, right at the time when the political question of the status of the French Jews is at stake, close to a century after their emancipation; when Zionism as well as anti-semitism are beginning to be heard on the international stage, and, finally, when linguistics comes to light as an autonomous field. Both Bréal and Darmesteter have then made a vast contribution to the advancement of linguistics, but within a different relation to power and Judaism. For, if Darmesteter fully participates in what is then known as “The Science of Judaism”, Bréal appears to be a more clearly “assimilated” French Jew. But both allow us to better understand some important social and political features of this period, by revealing, in their own distinct ways, a singular relation to Judaism and linguistics.