Littérature n° 165 (1/2012)
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Les Maximes de La Rochefoucauld offrent des vues pénétrantes sur l’égologie, c’est-à-dire le discours de moi, sur moi, pour moi. Le langage que dépeint le moraliste est obsessionnel, compulsif, inlassablement saturé par le même objet fascinant. C’est aussi un langage centripète, au sens où tous les discours, quel qu’en soit l’enjeu ponctuel, renvoient fondamentalement au même référent : le moi est ainsi contourné et désigné du même mouvement, par le jeu subtil de la métonymie. Au fond, dans ce langage morbide, le prédicat importe moins que le thème : dire du mal de moi, c’est déjà parler de moi, avec une complaisance enamourée. On peut penser que le genre de la maxime est particulièrement adapté à la description du phénomène, puisque par son impersonnalité constitutive, elle évite le reproche virtuel de céder à l’égologie sous prétexte de la dénoncer.
La Rochefoucauld’s Maxims offers deep insights about egology, id est the discourse of the self, about the self, for the self. The language depicted by the moralist is obsessive, compulsive, and relentlessly saturated with the same, fascinating, object. It is also centripetal, in the sense that all its discourses, whatever stakes they may have momentarily, fundamentally refer back to the same thing : thus the self is bypassed and pointed out in the same gesture, thanks to the subtle play of metonymy. Ultimately, in the use of this morbid language, the predicate is less important than the theme : to speak ill of myself is at least to be speaking about myself, with the complacency of being in love. One can suggest that the genre of the maxim is particularly apposite to the description of the phenomenon, given that its structural impersonality enables it to avoid the obvious accusation that it is giving in to egology while pretending to condemn it.