Romantisme n° 136 (2/2007)
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Parmi les sources de Salammbô, on trouve un ouvrage de Frédéric Daumer qui veut prouver que « Moloch et Jéhovah étaient au commencement un seul et même dieu » et relie le culte hébreu et le culte chrétien des origines au sacrifice humain et à l’anthropophagie. Flaubert était pleinement conscient de l’existence de cette théorie qu’il formule à plusieurs reprises dans ses notes de lecture de la Bible et dans ses brouillons et qui peut expliquer la « rage antireligieuse » qui s’exprime dans ses lettres à cette période. Le roman a été le pour Flaubert le lieu d'une réflexion théologique souterraine qui a fait réagir le dieu païen sur le dieu judéo-chrétien : en cherchant Moloch dans Jéhovah pour les besoins de sa documentation et parce que les sources sur Carthage étaient maigres au regard de l’immense continent de la Bible, le romancier a trouvé Jéhovah dans Moloch. Dans ces conditions, la remise en marche de la statue du Moloch dévorateur n’est plus à considérer comme la reconstitution d’un culte biscornu et périmé mais la reviviscence d’un rite qui se rattache à l’origine même du christianisme, qui l’explique et le contient tout entier.
The sources for Salammbô include a study by Friedrich Daumer seeking to prove that « in the beginning, Moloch and Jehovah were one and the same god » and linking the early Hebrew and Christian cults to human sacrifice and cannibalism. Flaubert was well aware of this theory, which he formulated on several occasions in his notes on the Bible and in his drafts, and which helps to explain the « anti-religious rage » that he expresssed in his letters of that period. For Flaubert the novel was the locus of a subterranean theological reflection through which the pagan god came to colour his perception of the Christian god : in seeking Moloch in Jehovah for the purposes of documentation and because the available information on Carthage was so meagre in comparison with the vast expanses of the Bible, the novelist found Jehovah in Moloch. In these circumstances, the bringing back to life of the child-devouring statue of Moloch can no longer be regarded merely as the reconstruction of a cranky, defunct cult, but as the resurrection of a rite that is linked to the very origins of Christianity, that explains it, and that contains its very essence.