L'information géographique - Vol. 74 (1/2010)
Pour acheter ce numéro, contactez-nous
Recevez les numéros de l'année en cours et accédez à l'intégralité des articles en ligne.
Si le terrain est généralement, pour le géographe « humain », une expérience fondamentale et professionnellement fondatrice, mais aussi une source de légitimation de son travail scientifique, on peut se demander si les terrains de l’Ailleurs, ceux pour lesquels il est appelé à sortir de sa culture de référence, sont pour lui spécifiques. Les terrains d’Afrique subsaharienne, investis par les géographes occidentaux, sont plus particulièrement relatés ici. Les géographes français dits africanistes, de la fin des années trente (Richard-Molard) à la fin des années soixante (Gallais, Pélissier, Sautter), ont accordé au terrain une place majeure : il leur permettait de dénoncer les crises dont ils faisaient l’expérience dans le cadre de leurs longs séjours sur place. La durée légitimait la connaissance des situations et, de ce fait, la dénonciation qu’ils pouvaient formuler des conséquences de la colonisation. Pour l’Afrique subsaharienne la dénonciation des crises ne se limite néanmoins pas à cette époque, ni à ce groupe particulier de géographes. Loin des débats souvent polémiques qui ont enveloppé la géographie africaniste française, elle se retrouve, par les mêmes voies, dans une dénonciation militante donnant lieu à une géographie critique. Chez Michael Watts aux États-Unis, par exemple, le terrain est aussi le lieu d’expérience permettant, à lui seul, de dénoncer la violence (vécue et subie), les crises environnementales et les abus des pouvoirs dits légitimes.
Fieldwork is normally for human geographers a fundamental experience from a human point of view and a founder one from a professional point of view. It is also a way to legitimize his/her scientific work. So one can wonder if there is something specific to the “elsewhere” fieldwork, for which the geographer has to exit from his/her cultural area. More specifically, I investigate here fieldworks conducted in sub-Saharan Africa, done by geographers coming from the Western world. From the 1930s through the 1960s French Africanist geographers gave to fieldwork a special place. It allowed them to denunciate the crises of African spaces they witnessed during their long sojourns there. This long sojourn legitimated the knowledge of spaces and thus, the denunciation of the consequences of colonisation. For sub-Saharan Africa the denunciation of crises is not limited to this period and not only limited to this particular group of geographers. It is part of the African Elsewhere and it can also give birth to a militant geography, engendering a critical geography for which fieldwork is the place of experience. It is the case, in the contemporary period, of Michael Watts, for whom the fieldwork allows to denunciate the violence, but also the environmental crises and the abuses made by the powers in charge.