
Histoire, économie & société (3/2013)
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Benjamin Thompson, plus connu sous le nom de « comte Rumford », obtint une célébrité internationale à la fin des années 1790 et au début des années 1800. Réformateur social, il était connu comme l’auteur de différentes inventions permettant d’économiser du combustible, comme des fours, des cheminées ou des lampes. Ses célèbres « soupes à la Rumford » étaient utilisées pour nourrir soldats, travailleurs ou indigents. Dans un contexte politique tourmenté, Rumford peut être considéré comme un ingénieur de la consommation et comme un expert de la conservation politique et morale. Au lieu de mobiliser la philosophie ou le droit constitutionnel, Rumford proposait aux gouvernements différentes technologies de consommation destinées à consolider la société civile et à prévenir un changement de régime. À partir d’une étude de la manière dont Rumford offrit ses services successivement à la Couronne britannique, au Grand-Électorat de Bavière, et à la République française, cet article tente de montrer que la consommation, pendant la période révolutionnaire, devint non seulement un concept disputé de l’économie politique, mais également un art de gouvernement. Cet art mobilisait des savoirs théories, des dispositifs juridiques et des techniques, qui variaient d’un lieu à l’autre, mais s’intégraient à un même effort pour construire une science de l’homme « utile » aux gouvernements. La carrière de Rumford illustre la plasticité de ces savoirs, et leur capacité à circuler d’un régime politique à l’autre.
Benjamin Thompson, better known as “count Rumford”, reached international fame in the late 1790s and early 1800s. He was known as a social reformer as well as the author of various fuel-saving inventions, including stoves, chimneys or lamps. His famous “Rumford soups” were also used to feed soldiers, workers or paupers. In a context of political turmoil, Rumford can be seen a consumption engineer and an expert in moral and political conservation. Instead of relying on political philosophy or constitutional law, Rumford offered governments various consumption technologies that were meant to consolidate civil society and prevent political change. By tracing how Rumford offered his services and inventions successively to the British Crown, the Bavarian Great-Electorate, and the French Republic, this article argues that during the revolutionary era, “consumption” became not only a contested concept of political economy, but also an art of government. This art enrolled theories, legal procedures and technologies, that varied from place to place, but were part of a same endeavour to construct a politically “useful” science of man. Rumford’s career illustrates the plasticity of such useful knowledge, and its ability to circulate across political borders and ideologies.

