Revue d'histoire des sciences - Tome 63 (1/2010)
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La parution des Principia mathematica d’Isaac Newton en 1687 survint au sein d’une communauté qui ne l’attendait pas et qui n’y était pas préparée, ainsi que le rappelle l’historien. Bernard Cohen : que faire avec cet ouvrage et comment l’utiliser furent les deux questions posées pendant un certain temps. Un des premiers savants qui se servit des principes de Newton de façon pratique fut l’académicien Pierre Bouguer (1698-1758). Dans son Traité du navire (1746), la première grande synthèse d’architecture navale, il adapta le scholium de la proposition XXXIV de la section VII du livre II, dont Newton disait qu’elle conduirait à la conception d’un corps solide, comme celui d’un bateau, présentant la moindre résistance dans un milieu résistant. L’étude de Bouguer sur le « solide de moindre résistance » de Newton, bien qu’elle s’avérât finalement incorrecte, fut une des premières investigations sérieuses sur la nature fondamentale de l’hydrodynamique du navire, préparant la voie pour des recherches futures. Bouguer ne considérait que le « choc » de l’eau sur la proue (ou étrave) et ignorait complètement les rôles du reste de la carène et la résistance de friction. L’idée de la « théorie du choc » dans la conception des bateaux avait été pressentie, après Newton, par des auteurs antérieurs à Bouguer, mais elle ne devint utile que lorsque Bouguer produisit une méthode systématique et pratique d’analyse, en particulier quand il travailla avec son collègue et ami Henri-Louis Duhamel du Monceau (1700-1782) à réduire cette analyse à un protocole de calculs facilement applicable à la conception du navire. Ces calculs devinrent partie intégrante de l’ingénierie des vaisseaux français pendant plusieurs décennies, jusqu’à ce que le poids théorique et l’évidence expérimentale la rendent obsolète. Cependant, le legs du solide de moindre résistance perdura presque jusqu’à la fin du XIXe siècle, jusqu’à ce qu’une théorie applicable, utilisant des modèles soumis à l’essai en bassin, fût finalement conçue.
When Isaac Newton published his Principia mathematica in 1687, it was, in the words of historian Bernard Cohen, received by « a wholly unexpectant and unprepared audience who did not, in actual fact, know what to make of it or how to use it for some time ». One of the first to actually make use of Newton’s principles in a practical way was the French mathematician and astronomer Pierre Bouguer (1698-1758). In his Traité du navire (1746), the first great synthesis of naval architecture, Bouguer adapted a proposition found in Principia that Newton claimed would produce a solid that would have the least resistance. Bouguer’s incorporation of Newton’s « solid of least resistance », although ultimately shown to be incorrect, was one of the first serious inquiries into the fundamental nature of ship hydrodynamics, and paved the way for further research. It was concerned with the « shock » of the water against the bows, and completely ignored the rest of the ship and frictional resistance. The idea of « shock theory » in the design of ships was anticipated by previous authors since Newton, but it only became useful when Bouguer provided a systematic, practical method of analysis, in particular working with his colleague Henri-Louis Duhamel du Monceau to reduce that analysis to rote calculation. The subsequent calculations applied to naval ship design became an integral part of French ship design for several decades, until the weight of theoretical and experimental evidence cast it into extinction. However, the legacy of the solid of least resistance continued until almost the end of the 19th century, until workable theory using model tank experiments was finally devised.