CARREFOURS DE L'ÉDUCATION N°58 (2/2024)
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La scolarité des drépanocytaires en Guadeloupe : (in)visibilisation d’une maladie chronique Maladie génétique la plus fréquente dans le monde et dans les Antilles Françaises, où elle est considérée comme priorité nationale de santé publique, la drépanocytose a de forts retentissements sur le quotidien des jeunes qui vivent avec : sur leur santé physique, mais également leur qualité de vie, et leur participation sociale. C’est dans l’espace scolaire, lieu d’apprentissage et de socialisation, que le poids de la pathologie est le plus marqué. La présente étude, menée sur des drépanocytaires (n = 81) ainsi que des sujets sains (n = 45) âgés de 6 à 16 ans et résidant en Guadeloupe, s’appuie sur le modèle écologique du Processus de Production du Handicap (Fougeyrollas, 2010 ; Fougeyrollas et Cloutier, 2016). Le travail présenté ici questionne le vécu de la maladie, en particulier dans le champ scolaire, et articule les analyses issues de différents types de matériaux quantitatifs et qualitatifs (i.e, échelles MHAVIE et MQE, entretiens biographiques avec des jeunes malades et leur entourage familial, ainsi que des acteurs pertinents, n = 43). Les données quantitatives relatives à la qualité de la participation sociale et de l’environnement, détaillées dans de précédents travaux (Cholley- Gomez et al., 2022a ; Cholley-Gomez et al., 2022b) attestent de l’impact de la pathologie, et en particulier des situations de handicap ou de restriction de la participation sociale rencontrées dans les espaces liés aux loisirs, et à la scolarité, dans un environnement physique et social particulièrement contraignant. Les données qualitatives permettent d’affiner ces éléments. Chez ces enfants et adolescents le vécu de la drépanocytose est, particulièrement dans le champ scolaire, caractérisé par la problématique de son invisibilité. Une problématique toutefois appréhendée par une forme d’ambivalence puisque les drépanocytaires, en quête de normalisation, adoptent des stratégies de masquage et de contrôle des signes visibles de la maladie, impactant sa gestion ; dans le même temps, les discours montrent des stratégies de dévoilement et un besoin de reconnaissance des difficultés et contraintes liées à la pathologie, finalement peu (re)connus du personnel éducatif et du grand public.
Sickle cell disease is the most common genetic disease in the world and in the French Antilles, where it is regarded as a national public health priority, it has significant impacts on the daily lives of young sufferers, affecting not only their physical health, but also their quality of life and social participation. It is in the school environment, a learning and socialising space, that the burden of the disease is heaviest. This study, conducted among sickle cell patients (n = 81) and healthy individuals (n = 45) aged from 6 to 16 living in Guadeloupe, is based on the Disability Creation Process ecological model (Fougeyrollas, 2010; Fougeyrollas and Cloutier, 2016). The work presented questions the lived experience of sickle cell patients, particularly in education, and draws on analyses arising from different types of quantitative and qualitative materials (i.e. MHAVIE and MQE scores, biographical interviews with young sickle cell patients and their family circles and other relevant actors, n = 43). Quantitative data relating to the quality of social participation and the environment, set out in previous works (Cholley-Gomez et al., 2022a; Cholley-Gomez et al., 2022b) demonstrate the impact of the disease, particularly in terms of situations of disability or restricted social participation encountered in leisure and educational settings in an acutely limiting physical and social environment. Qualitative data make it possible to refine these results. Among children and adolescents, the lived experience of sickle cell disease, particularly in the educational sphere, is characterised by the issue of the disease’s invisible nature. This issue, however, is perceived with a certain ambivalence, since sickle cell sufferers, seeking normalisation, adopt strategies to hide and control the visible signs of their disease, thus affecting its management; at the same time, discourses show strategies to reveal the illness and a need to recognise the difficulties and limitations related to it, which educational personnel and the general public are ultimately largely unaware of or unfamiliar with.