Langages n° 196 (4/2014)
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Dans le passage de l’ordre des mots « ancien » Je le dois faire au « moderne » Je dois le faire, on a pu voir la trace d’une restructuration des constructions infinitives : d’abord traitées comme des lexies verbales [auxiliaire+infinitif] (= construction C1), elles auraient été ensuite réanalysées en syntagmes [verbe recteur+proposition infinitive argument] (= construction C2). Un examen des données montre qu’en fait, chacune de ces deux structurations a exercé sur l’autre une influence analogique, donnant naissance à une variante hybride de sa concurrente Si c’est la construction C2 et l’hybride qu’elle a suscité qui se sont imposées au fil du temps, cela tient à des raisons d’optimalité. Le principal changement diachronique qui en est résulté est le développement d’une catégorie originale d’auxiliaires de prédicat. La reconversion d’auxiliaires de verbes en auxiliaires de prédicats va, à certains égards, dans le sens d’une dé-grammaticalisation.
In the transition from the “old” word order Je le dois faire into the “modern” one Je dois le faire, we may have seen the sign of a reorganisation of infinitives constructions: first considered as verbal compound lexia [auxiliary+infinitive] (= C1 construction), they would supposedly then have been reanalyzed as verb phrases [governing verb+infinitive argument clause] (= C2 construction). A careful examination of the data shows that in fact, each of the two constructions exerted an analogical influence over the other, giving rise to a hybrid variant of its rival. If C2 and its hybrid result have imposed over time, it is for optimality reasons. The principal diachronic change that resulted from it is the birth in French of an original predicate auxiliaries’ category. The reconversion of verbal auxiliaries into predicate auxiliaries heads in some respects towards a degrammaticalization.