LITTÉRATURE Nº215 (3/2024)
Pour acheter ce numéro, contactez-nous
Recevez les numéros de l'année en cours et accédez à l'intégralité des articles en ligne.
André Chénier, complice de la culture du viol, lorsqu’il récrit une idylle attribuée à Théocrite ? Malgré son anachronisme, le concept récent de « culture du viol » invite opportunément à sortir le viol de l’invisibilité où le tenaient bien des représentations littéraires du passé et leurs commentaires ultérieurs. Mais il risque de bloquer notre imagination historique, de réputer impossibles d’autres legs, qui, lancés dans l’histoire contre toute vraisemblance, ont pourtant dû produire des effets sensibles. Le présent article se propose d’analyser et de suivre ces lignes de temps qui opacifient notre rapport à l’histoire. Nous nous pencherons notamment sur les Mémoires de Campion rédigés au milieu du XVIIe siècle : il adresse à sa descendance (et de là, à nous) une expérience de vie d’où émerge une masculinité singulièrement ouverte au féminin. Au bout de ce trajet, l’imaginer lecteur de ce même poème de Chénier nous invite à troubler la question de départ sans en réfuter la réponse.
Was André Chénier complicit in rape culture when he rewrote an idyll attributed to Theocritus ? Despite its anachronism, the recent concept of “rape culture” is a welcomed invitation to take rape out of the invisibility in which many literary representations of the past and their subsequent commentaries held it. But it also runs the risk of blocking our historical imagination, and making other legacies impossible — legacies which, thrown into history against all likelihood, must nonetheless have produced noticeable effects. The aim of this article is to analyze and follow the timelines that obscure our relationship with history. In particular, we’ll be looking at Campion’s Memoirs, written in the mid-seventeenth century : he addresses to his descendants (and hence to us) a life experience from which emerges a masculinity singularly open to the feminine. At the end of this journey, the imaginary reader of this same poem by Chénier invites us to challenge the original question without refuting the answer. Un poème de Chénier en procès